3 questions à Jean Debeaupuis, directeur général de la DGOS
Les établissements de santé sont toujours sous le choc après la publication des tarifs 2015 : que leur dites-vous ?
Tout d’abord, je voudrais souligner que notre système de santé se caractérise par la diversité et la complémentarité des modes d’exercice des professionnels de santé – libéraux et salariés – et des statuts des établissements, publics et privés, commerciaux et non lucratifs.
Vos établissements et les nombreux professionnels qui y exercent ont toute leur place dans un système de santé confronté au défi du vieillissement de la population et des maladies chroniques : il est appelé à de nécessaires mutations, afin de mieux répondre aux besoins de la population et des territoires, en développant la prévention, le parcours du patient et une meilleure coordination. Sans oublier la place des usagers, selon les orientations du projet de loi de modernisation présenté par la ministre Marisol Touraine et adopté par l’assemblée nationale.
Je tiens à remercier la FHP et ses composantes pour leur participation aux nombreux groupes de travail que le ministère et la DGOS tiennent afin de préparer et d’expliquer les campagnes tarifaires ainsi que la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé portée par la ministre.
Je sais que les derniers mois ont été vécus difficilement par beaucoup d’entre vous, avec le sentiment d’être parfois mal compris, par exemple dans le cadre de la campagne tarifaire ou dans celui du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Au sujet de ce dernier, les discussions avec vos représentants ont permis notamment de faire évoluer l’article 26 consacré au service public hospitalier, de clarifier certains points et d’apporter des garanties importantes sur le rôle essentiel assuré par le secteur privé. Le projet de Loi comprend de nombreuses dispositions, dont plusieurs ont évolué depuis l’automne grâce aux concertations menées.
Concernant l’article sur la transparence des comptes, je tiens à vous préciser que cette mesure n’est absolument pas orientée contre un secteur d’activité en particulier. Elle est en effet applicable à l’ensemble des établissements de santé – quel que soit leur statut – et vise à répondre aux demandes de la Commission européenne, qui estime que notre réglementation n’est pas en totale adéquation avec le droit de l’union. Pour être pleinement conformes, les financements publics accordés aux établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, ne doivent pas excéder les obligations mises à la charge de leurs bénéficiaires, sous réserve cependant d’un bénéfice qualifié de « raisonnable ». Pour que les ARS puissent s’en assurer, les établissements de santé doivent donc être en mesure de transmettre leurs comptes à l’autorité de tarification, où devront être clairement distingués d’une part les charges et les produits relevant de leur activité de soins et d’autre part, ceux relevant de leurs activités annexes (autres prestations, activités commerciales), qui sont hors régime des aides d’État et donc hors du mécanisme de « récupération ».
L’amendement gouvernemental en a posé les bases afin de clarifier la situation des établissements. Il reste désormais à en fixer précisément le mécanisme et les règles d’application. Ce sera le rôle du projet de décret qui sera établi en pleine concertation avec vos représentants.
La campagne tarifaire et budgétaire 2015 est soumise à de fortes contraintes supérieures à celles des années précédentes. Elle constitue la première tranche de mise en application du plan triennal d’économies de l’ONDAM 2015/17 porté par le gouvernement.
Un chiffre, toutefois : l’ONDAM établissements de santé 2015 évolue positivement de 2 % par rapport à 2014. Le taux a été fixé de manière identique entre les deux secteurs hospitaliers à hauteur de -0,65 %, de même que le coefficient prudentiel de 0,35%. Le différentiel avec le taux d’évolution de l’ONDAM s’explique principalement par l’évolution annuelle du volume global d’activité, quel que soit le secteur qui prend en charge cette activité.
L’évolution tarifaire des établissements commerciaux MCO s’établit à -2.5 % compte tenu des allègement de charges dont bénéficient vos établissements au titre du pacte de responsabilité et du CICE. Il était équitable d’en tenir compte dans la répartition des ressources allouées par la sécurité sociale au sein de l’ONDAM, sachant que cet impact a été « lissé » sur plusieurs années afin d’en atténuer l’impact annuel.
Quel rôle vont jouer les ARS dans la mise en œuvre de cette campagne tarifaire, ainsi que dans le plan d’économies et quel sera l’accompagnement des établissements ?
Vous m’interrogez également sur la mise en œuvre de ce plan au niveau régional. Ainsi que cela est précisé dans la première circulaire de campagne qui sera publiée dans les jours à venir, les directeurs généraux d’ARS, en lien avec l’assurance maladie, vont demander à l’ensemble des établissements de santé – quels que soient leur statut et leur situation financière – de proposer et de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour réaliser les économies en question : celles-ci seront équitablement réparties entre les secteurs et les établissements et de façon adaptée à leurs spécialités, notamment en matière de trajectoire de transformation. Il revient donc aux établissements eux-mêmes de formaliser les actions et les efforts d’adaptation interne : ces engagements seront ensuite déclinés via les contrats existants tels que les CPOM.
La campagne tarifaire 2016 démarre déjà : comment pouvons-nous avancer de concert ?
Enfin, pour l’avenir et la préparation de la campagne 2016, je serai particulièrement attentif, dans la logique du plan triennal, à poursuivre avec vos représentants les travaux d’évolution du modèle de financement qui pourraient, notamment, être portés dans le cadre de la prochaine réunion du CORETAH et de la prochaine LFSS.
Virage ambulatoire, nouvelle approche territoriale, coopération renforcée des acteurs… La réussite du plan triennal et de la loi de modernisation de notre système de santé passe d’abord par les projets des acteurs et vos réponses pour conduire ces mutations au service de la population.